OSS 117 se déchaîne, film d'espionnage
- socorsi
- 6 déc. 2016
- 5 min de lecture
Le personnage Hubert Bonisseur de La Bath, alias OSS 117, fût créé en 1949 par l'écrivain français Jean Bruce, soit quatre années avant que Ian Fleming n'invente son James Bond. Cette avance, OSS 117 la conservera même au cinéma, puisque le film OSS 117 n'est pas mort, de Jean Sacha, sort en salle en 1957, alors que Dr. No, la première aventure cinématographique de 007, ne sort qu'en 1962. Pourtant, aux yeux du public, OSS 117 semble avoir un train de retard par rapport à son cousin britannique, doublé d'un côté désuet. Pour faire face au succès retentissant des films sur James Bond, le cinéma français décide donc de sortir l'artillerie lourde l'année suivante, en confiant au réalisateur André Hunebelle (connu plus tard pour la trilogie Fantômas) les rênes de OSS 117 se déchaîne, adaptation à gros budget du roman OSS 117 prend le maquis. Avec un titre pareil, vous devinez facilement où se déroule l'intrigue...

Impossible aujourd'hui de parler de OSS 117 sans évoquer les comédies parodiques réalisés par Michel Hazanavicius, auxquelles le personnage doit sa célébrité retrouvée. Néanmoins, il est important de remarquer que si Le Caire, nid d'espions et Rio ne répond plus ont choisi d'adopter un ton 100% humoristique particulièrement savoureux, les quatre films réalisés par Hunebelle, dont OSS 117 se déchaîne est le premier opus, sont avant tout des films d'espionnages. En dehors des quelques boutades (parfois loufoques) de rigueur, la part belle est tout de même donnée à l'action et à l'enquête, et le film se devait d'être plutôt pris au premier degré. Ou, tout du moins, autant qu'un film d'action grand spectacle puisse l'être...
Pourtant, il est amusant de constater que la plupart des éléments de l'univers de OSS 117 qui nous font rire aux éclats aujourd'hui étaient déjà bien présents à l'époque : Hazanivicius a scrupuleusement retranscrit de nombreuses répliques et effets de mise en scène, qui, avec le regard d'un spectateur du XXIème siècle, sont à la fois délicieusement rétro et tout à fait ridicules.

A commencer par le personnage principal, véritable paradoxe ambulant : dans cette version, Hubert est un agent secret américain (français dans les films récents), au nom terriblement français, qui ne travaille qu'en France et qui ne nous rappelle ses origines qu'en ponctuant certaines de ses phrases des mots "sweetheart" ou "gentleman". En outre, on nous le présente d'abord en héros défenseur du bien, alors que ses actions nous le font plutôt voir comme un meurtrier totalement dépourvu d'empathie. A plusieurs reprises dans le film, on le voit hurler de rire alors qu'il dispose des cadavres de ses victimes et même de certains de ses alliés. Véritable goujat, il se jette sur les femmes sans jamais attendre leur consentement, profite de l'inconscience de l'une d'entre elle pour la tripoter, avant de la rouer de coups quelques scènes plus tard. Et ces dernières, gourdes au possible, le lui pardonnent bien volontiers, tant elles sont charmées par ses plaisanteries graveleuses dignes du dernier des piliers de bar.
Enfin, comme dans les films de Hazanavicius, l'intelligence de OSS 117 semble être assez variable. Parfois brillant, il lui arrive aussi de paraître complètement benêt et parfaitement immature. Ainsi, certaines de ses "stratégies d'assassinats" auraient tout à fait leur place dans Maman, j'ai raté l'avion, et ne fonctionnent que par miracle. Car l'aspect le plus absurde de ce personnage, c'est bien sa chance absolument hors normes ! C'est bien simple, de tout le film, il n'est jamais en difficulté.

Pour ce qui est de l'intrigue de OSS 117 se déchaîne (qui est exactement la même que celle du roman OSS 117 prend le maquis), tout part de la mort mystérieuse d'un agent secret américain, visiblement tué lors d'un cours de plongée sous-marine, aux alentours de Bonifacio. Hubert est donc envoyé sur place, en Corse, pour enquêter. Rapidement, il s'avère que l'affaire est liée à un prototype de sonar révolutionnaire, capable de détecter précisément la position des sous-marins nucléaires disséminés en méditerranée. Entre de mauvaises mains, pareil engin pourrait bouleverser l'équilibre des forces, et entraîner un conflit nucléaire mondial.
Pour son enquête, OSS 117 s'allie avec un certain Nicolas Renotte, moniteur de plongée bonifacien et homme le moins émotif du monde (sa réaction lorsqu'il découvre un cadavre dans son salon vaut franchement le détour). Plus tard, Hubert jette son dévolu sur Brigitta, une jeune suédoise sulfureuse aux intentions ambiguës.
Confronté aux hommes de main d'une organisation secrète originaire d'Europe de l'Est (travaillent-ils pour le gouvernement soviétique ? Le film ne répondra jamais à cette interrogation), OSS 117 aura l'occasion de distribuer des baffes, de poignarder, d'abattre et d'étrangler à tour de bras, aussi bien dans les ruelles de Bonifaccio que sur la mer, sous la mer et dans les airs.

Vous l'aurez compris, on est là face à un film d'action et d'espionnage dans la plus pure tradition des James Bond des années 1960. Ne vous attendez donc pas à du rugueux ou de l'analyse géo-politique, puisque ici, on se concentre sur les explosions, les jolies filles et les répliques qui font mouche. Seul oubli dans ce cahier des charges : les gadgets, OSS 117 n'ayant besoin d'aucun artifice pour semer la mort et la désolation.
Regarder OSS 117 se déchaîne de nos jours rend impossible l'immersion totale dans le film. Les effets (aussi bien spéciaux que de mise en scène) sont beaucoup trop vieillots pour ne pas provoquer quelques rires. A titre d'exemple, le métrage se termine sur le personnage de Hubert, qui, regardant le spectateur droit dans les yeux au travers de la caméra, nous dit "au revoir à vous aussi", suivi d'un clin d'oeil et d'un sourire en coin. Une petite politesse sympathique, mais tellement absurde que je n'ai pu m'empêcher d'éclater de rire.

En revanche, on voit bien les efforts déployés pour faire de ce film un très grand spectacle. Les scènes d'action sont nombreuses et variées, tandis que certains plans sont vertigineux et novateurs pour l'époque. Ainsi, si le rythme de l'ensemble a évidemment beaucoup vieilli, on en prend quand même pleins les yeux. Le jeu de l'acteur américain Kerwin Mathews en OSS 117 est à la fois décalé est convaincant, ce qui rend le personnage étrangement attachant, en dépit de son comportement abominable.

En outre, rarement un film de l'époque ne donnait à voir un portrait si flatteur de la Corse. S'il n'y a, au final, qu'un seul personnage corse, on nous fait ici clairement le portrait d'une île paradisiaque aux paysages divers, constituant tous des décors parfaits pour des scènes d'action acrobatiques et rocambolesques. Plusieurs facettes de la région nous sont données à voir, y comprit de longues séquences sous-marines et aériennes. Du coup, si vous êtes curieux de voir à quoi ressemblait Bonifacio, notamment visité de fond en combles par les personnages, dans les années 1960, dépêchez vous de visionner OSS 117 se déchaîne.
Comments